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Tharsilla et le Sorcier Noir
21 mars 2008

Livre IV.

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Désidérade Kelmedhu était une de ces jeunes filles façonnées par la vie loin des villes : elle avait gardé son innocence d’enfant et la fraicheur de ses quatorze ans, sa nature semblant ignorer ses vingt printemps. Ses cheveux blonds dorés et bouclés reposaient sur ses épaules d’albâtre laissées à découvert par sa chemise de coton ample lacée juste sous les clavicules, et une frange puérile encadrait son visage harmonieux. Sa longue jupe violette ondulait comme elle marchait et froufroutait doucement à son oreille.

Originaire du petit village de *** elle était apprentie Mage depuis deux cycles Toriliens maintenant, sous l’enseignement de son oncle Vitigès, mais au grand désespoir de celui-ci les progrès de sa jeune nièce restaient minces et ils n’avaient guère avancé depuis qu’il avait pris en main sa formation.

Ce matin-là Vitigès avait envoyé Désidérade chercher de l’eau à la source : il s’était résigné depuis quelques jours à lui attribuer des tâches plus à la hauteur de ses capacités. La jeune mage y avait rejoint un groupe de matrones qui y remplissaient leurs outres et amphores, babillant comme à son habitude à propos du temps ensoleillé, des papillons, des fleurs qu’elle mettrait dans ses cheveux aujourd’hui, et beaucoup d’autres sujets encore.

Soudain, l’une d’entre elles perçût des éclats de voix qui semblaient venir de l’orée du petit bois.  Alertée par celle-ci une petite troupe de curieuses dont Désidérade s’était rapproché de la scène : une grande baraquée aux cheveux coupés courts et noirs comme les plumes d’un corbeau était en pleine prise de bec avec une blonde à la carrure athlétique :

-Mais c’est pas vrai ?! S’écriait la grande brune, Qu’est-ce que vous avez tous après moi ?

-On dirait que tu ne t’es pas attiré que la faveur des Dieux ces derniers temps, ma jolie… Répliqua la blonde avec un sourire crâne.

-De quoi, les Dieux ? Ah si tu sais de quoi il retourne tu vas m’en dire un peu plus parce que j’ai autre chose à faire que de jouer à cache-cache avec des morveux comme toi et les deux …

-Tu n’iras pas bien loin de toute façon, ta route s’arrête ici, Tharsilla Wegerweevil ! Coupa la blonde sarcastique en ajustant son arbalète et mettre son adversaire en joue.  Beshaba, ça te dit quelque chose ?

-La Dame Misère, déesse de la malchance et des accidents ? Qu’est-ce qu’elle me veut ?

-Elle te veut que tu lui as dérobé une âme qui lui revenait de droit (elle redressa la tête et abaissa légèrement son arme le temps de son discours.) : ce collecteur d’impôts d’Hiddenvallon… Tu as déjoué, et non sans une certaine classe, toutes les mésaventures qu’elle lui avait préparées. Tu ne sais donc pas qu’il ne faut jamais s’interposer entre Beshaba et sa proie ? Tharsilla ouvrait des yeux de plus en plus gros au fur et à mesure du récit de la jeune vipère qui lui faisait face. Elle venait de remarquer le petit groupe de villageoises qui s’était approchées pour assister à la scène. Tu lui dois une âme, je vais lui donner la tienne !

La blonde remît son arbalète en position pendant que Tharsilla faisait des gestes désarticulés à l’encontre des villageoises. Elle la visait maintenant, un œil fermé pour mieux ajuster son tir.

-Ne restez pas là ! C’est dangereux !

Un carreau partît en direction de Tharsilla qui bondît au même instant sur sa droite esquivant de justesse le projectile qui lui errafla le bras.

Toutes les villageoises s’enfuirent en courant, poussant des hurlements de frayeur à l’exception d’une seule. Désidérade resta, elle, bras ballants et bouche bée, devant la scène de violence qui se déroulait sous ses yeux.

-Tu es adroite constata la blonde en réarmant son arbalète. Voyons si tu gagnes à tous les coups !

Désidérade sortît soudain de son hypnose. Elle n’avait pas l’intention de rester spectatrice, son cœur s’insurgeait contre cette violence, elle se devait d’aider la pauvre femme qui se trouvait ici agressée. Indiquant un mouvement à ses mains et prononçant les mots de pouvoir que son oncle lui avait enseignés, elle commença une incantation. Pourvu qu’elle fonctionne ! Se dit-elle.

Tharsilla n’avait pas l’intention de se laisser faire, mais bien de se débarrasser de cette grue au plus vite et de poursuivre sa route. Elle lança un de ses poignards en l’air en le faisant pivoter sur lui-même pour se saisir de la pointe et le projeta à la vitesse de l’éclair dans l’épaule de son opposante, l’empêchant ainsi d’utiliser son arbalète.

L’impact de la lame dans la chair libéra le carreau, qui il prît une direction anormale d’après l’orientation de l’arme : le sort de Désidérade marchait, et cette dernière en était la première surprise. Un sourire naïf se dessina sur ses lèvres roses.

A ce moment tout sembla ralentir, et finît par s’arrêter complètement sous les yeux hagards de Tharsilla. Le carreau figé dans l’air, Désidérade immobilisée dans une attitude de contentement et de satisfaction personnelle, la blonde au sol dans une grimace de douleur se tenant l’épaule. Seule Tharsilla était encore libre de ses mouvements. Qu’est-ce que c’est encore que tout ça ? Soupira la chasseuse de prime pour elle même.

Dans un éclat de lumière scintillante apparût une femme à la beauté étrange et aux cheveux complètement blancs, un sourire en coin déformant sa jolie bouche : Beshaba, la Dame misère.

-Les bons chasseurs de prime se font rares de nos jours ! Soupira-t-elle avec un regard méprisant à l’encontre de la jeune blessée. Je vais devoir me rembourser ta dette par mes propres moyens Tharsilla! Son sourire triangulaire s’allongea et lui donna un air encore plus sournois, si c’était possible.

Tharsilla se tînt sur ses gardes, saisissant le poignard qui lui restait plus fermement.

- Je n’ai pas l’intention de t’affronter, et puisque tu sembles tenir si fort à ta chétive et misérable vie, tu ne m’en voudras pas si je décide de m’attaquer à une proie plus facile ? Ce disant elle tendit un bras en direction du carreau resté en suspension qui reprît sa course avec un nouvel élan, et surtout dans une nouvelle direction.

Désidérade n’eût pas le temps de le voir venir et c’est son le sourire béat encore accroché aux lèvres qu’elle vît la pointe se ficher dans sa poitrine. Elle tomba, morte.

Le temps pour Tharsilla de se retourner et Beshaba avait disparu, ne laissant entendre derrière elle que le son sinistre d’un éclat de rire strident. Elle resta un moment interdite, ne sachant pas si elle devait être plutôt satisfaite d’avoir vu cette histoire réglée aussi promptement, ou si elle devait se sentir coupable pour la petite villageoise.

Elle se dirigea vers la chasseuse de prime blonde, qui, grimace vissée au visage, traina son derrière parterre dans une tentative de recul. Tharsilla se pencha vers elle, attrapa sans ménagement le pommeau de son poignard et tira dessus pour le récupérer. La lame s’extirpa de la plaie avec un bruit de succion, et le sang afflua aussi abondamment que les cris de la blessée.

-Ah cesse de me casser les oreilles ! Utilise plutôt l’énergie qui te reste pour te faire un pansement !

-Tu crois pouvoir m'évincer si facilement, Tharsilla ?

Tharsilla lui tournait déjà le dos, se dirrigeant vers le corps de la jeune villageoise.

-Ah oui ? Et qu’espères-tu ? Un rendez-vous galant ? Désolée, chérie, je les aime moins butch, lui lança-t-elle sans se retourner.

-Beshaba prévoit une forte récompense…

Tharsilla explosa :

-Beshaba en a fini avec moi ! Tu ne vois donc pas le carnage ? Tharsilla désigna de la main le corps inanimé de Désidérade. Sa voix s’était radoucie. Elle s’agenouilla près du cadavre. Elle passa une main sous la tête de la jeune fille et de l’autre lui caressa une joue.

-C’est un âge bien tendre pour rendre son dernier souffle.

Même dans la mort le visage de Désidérade gardait les stigmates d’une certaine naïveté. On aurait cru qu’elle allait soudain ouvrir la bouche et se mettre à déverser son flot habituel d’inepties. Elle avait pourtant un bien joli visage… Et des formes… Rôô Tharsilla ! Se reprît-elle en pensée. L’abstinence ne te vaut rien !

Elle se redressa, le corps de Désidérade dans les bras, prenant la direction du village pour le rendre à sa famille, abandonnant la ranger butch à son sort. Elle n’avait pas fait vingt pas qu’un bruissement dans les feuillages la fît se méfier.

-QUOI ENCORE ?! s’écria-t-elle sans même se retourner.

Une douce brise remua l’air et les cheveux courts de Tharsilla qui risqua un œil par-dessus son épaule.

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